In Musae Veritas

17 juillet 2007

Les souvenirs de Vienne


Vienne, un soir d'hiver, 23h56. Le froid sec et agressif transit ses narines engourdies; il s'arrête sur la passerelle au-dessus du rail, en essayant de distinguer au loin si un métro arrive.

Sur le côté gauche sont des gens qui attendent, parsemés au gré des lumières régulièrement espacées. Il se demande à quoi ils peuvent penser. Bientôt un train va déboucher de l'horizon, et venir les engloutir dans un tourbillon de bruit et de crissements métalliques.

Sur le côté droit, personne. Pourtant les mêmes lumières éclairent le quai à distance fixe, comme les secondes qui marquent le temps. Bientôt, sans prévenir, un train va déboucher subitement sans qu'il ait eu le temps de le voir venir, et va vomir son flot de passagers anonymes qui se disperseront sur le béton gris de la station, avant de tous disparaître en quelques instants.

D'un côté, les quelques souvenirs du passé attendent d'être rafraîchis par sa mémoire et revécus par la nostalgie qui sommeille en lui. Il se demande ce que sont devenus les êtres qu'il a croisés il y a 1 jour, 1 mois, 1 an, 1 décade. Mais bientôt, le train va venir les chercher un à un, puis les faire disparaître de son champ de vision pour les emmener loin derrière, comme pour tourner la page d'un livre dont on ne connaît pas la fin.

De l'autre côté, personne. Même si le temps s'écoule à la même vitesse qu'il y a 1 jour, 1 mois, 1 an, 1 décade, l'attente est plus angoissante car il ne voit rien venir et il ne peut pas anticiper. Mais soudain, une locomotive crachant sa vapeur et fumant de toutes ses pores va surgir sur le quai de Karlsplatz, et va décharger des wagons entiers venus d'on ne sait où, avec son lot de personnages et de caractères qui marqueront son esprit et renouvelleront ses souvenirs. Puis le bolide va s'ébranler pour emporter loin devant des souvenirs qui n'ont pas encore eu leur heure de gloire.

Pour connaître la suite, il sait ce qu'il lui reste à faire: prendre le train et descendre à la station suivante.
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02 juillet 2007

L'histoire dont vous êtes le héros


Dites-moi...

Avez-vous déjà eu l'impression que votre vie est une pièce de théâtre loufoque écrite par un marionnettiste à l'imagination fertile dont vous n'êtes que l'un des pantins parmi tant d'autres? Avez vous déjà eu la sensation de vous retrouver en plein dans une histoire tragi-comique, entre rendez-vous manqués et coïncidences troublantes, mais si convenues? D'être au centre d'une intrigue animée de caractères tellement inimaginables mais tellement réels, de vivre des rebondissements tellement bien agencés, tellement spectaculaires qu'on en devine la mécanique providentielle? D'être face à des quiproquo, des malentendus, des coups de théâtre et des renversements de situation tellement énormes d'improbabilité qu'ils n'en sont que plus réels?

Le décor est posé. Le texte appris. Les dénouements ingénieux. Vous déclamez des belles paroles d'espoir qui se perdent dans le vide d'un auditoire distrait.

Et puis un jour, le marionnettiste se lasse de ce vaudeville et décide de le transformer en drame cornélien. Vous vous retrouvez face à un dilemme atroce qui vous oblige à choisir entre le miel et l'ambroisie. Vous souffrez. Vous vous débattez, désespérez, sombrez peu à peu dans la démence interieure qui s'aggrave au fur et à mesure que vous tentez de n'en rien montrer de l'extérieur. Mais il ne faut pas que le héros meure. Donc le marionnettiste change de registre et passe à la comedia dell'arte, afin de reconfirmer les stéréotypes des gens qui vous entourent. Vous retrouvez la paysanne médisante, le meilleur ami jaloux, le bourgeois matérialiste, le noble perdu dans ses idéaux, l'insolent bouffon qui bouscule poliment les règles de bienséance. Les décors changent, les rideaux tombent, le public applaudit, désapprouve, pleure, siffle, compatit, critique, mais au final, se lève des sièges pour déserter la salle. Fin de la scène, fin de l'acte, fin de la pièce. Epilogue? Non, juste une représentation de plus qui précède une autre le lendemain.

Mais aujourd'hui, quelque chose s'est produit dans cette mécanique si bien huilée. Une singularité dans la courbure de l'espace temps. Il a suffit de moins d'une micro-seconde. Un coup d'état dans le théâtre. Un éclair de poudre de magnésium qui a ébloui tout le monde, à commencer par l'acteur principal. Un accident dans le décor. Un trucage non prévu dans le scénario. Vous rêvez? De quoi? D'un acteur qui cesse de jouer la pièce, mais qui soudain se met à vivre. Une histoire qui se déroule alors qu'elle n'est écrite nulle part. Le marionnettiste, étonné, passe du statut de créateur à celui de spectateur. L'acteur prend le rôle du créateur. Les spectateurs reprennent leur liberté et deviennent acteurs en interagissant avec le décor...

"Les neiges éternelles ne fondent jamais. Pourtant, d'elles immobiles jaillit la source fuyante d'eau fraîche, source de vie et du reste."

Ma vie n'est pas un engrenage rond et régulier aux yeux des horlogers de ce monde.
Ma vie n'est pas un papier carbone qui duplique un schéma bien éprouvé.
Ma vie n'est pas une table des matières où l'on connaît déjà le dernier chapitre
Ma vie n'est pas une batterie d'appareil photo que l'on recharge.
Ma vie n'est pas une télécommande à boutons.
Ma vie n'est pas fiche de salaire qui évolue parfois.
Ma vie n'est pas un process de fabrication, ni une séquence dans un flux d'information.

Peut-être.

Mais j'aurai une belle histoire à vous raconter, une histoire vraie.
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